Le 18 octobre dernier, nous étions présents à la 6ème édition du Neuchâtel Super 8 Film Festival. À cette occasion nous avons discuté avec Mac, un membre de l’équipe ENS8FF.
Le Festival Super 8 de Neuchâtel est un événement unique en son genre. Comment est né ce projet, et quelles sont les valeurs qui guident son organisation ?
Dans les années 90 il y avait plusieurs festivals sur ce modèle, dont trois en Suisse romande. L’un d’eux avait lieu à Bevaix près de Neuchâtel, et s’était arrêté après trois éditions en 2012 faute de candidatures. Sous sa forme actuelle le festival est né en 2015 à l’occasion du Global Super8 Day (on fêtait les 50 ans d’existence du format). Il a fallu trois éditions pour que nous fassions le plein de candidat-e-s et que nous devions déménager au Temple du Bas. Le succès, depuis 2021, n’a pas été démenti.
Ce succès, la qualité des films (en constante augmentation depuis le début), la satisfaction (le plaisir) des réalisateur.ices et la fréquentation sont pour nous d’importants facteurs de motivation. Nous avons pourtant toujours à l’esprit la question du bien-fondé de l’affaire : Quelle est la nécessité de maintenir vivant ce festival ? Est-il à sa place (et sinon quelle place doit-elle être la sienne) dans l’offre culturelle? Est-il dans l’air du temps, c’est-à-dire fait-il vraiment oeuvre de résistance contre cette perte de contrôle de notre environnement qui semble s’accélérer de plus en plus?
Le Super 8 est un format qui fédère une communauté passionnée à travers le monde. Collaborez-vous avec d’autres festivals, laboratoires ou artistes étrangers ?
Nous avons établi des contacts, voire des liens d’amitié avec plusieurs autres événements qui intègrent le Super8, en France (Nice), en Allemagne (Dresden, Weiterstadt, Bremen), et bien sûr avec les Anglais de Straight8. Nous avons toujours privilégié les échanges vivants entre personnes, même s’il y a aussi une activité sur les réseaux sociaux (assez mineure en ce qui nous concerne, nous publions peu). Au fil des années, Neuchâtel a pris sa place dans la « community » du super8.
Le Super 8 est souvent associé à une esthétique rétro, mais il reste un support vivant et expérimental. Comment en définir son équilibre à l’heure du tout digital ?
Je pense que l’on commence à comprendre que les techniques dites anciennes et récentes (en photographie ou en cinéma notamment) ne sont pas simplement des alternatives permettant à arriver à un même résultat (faire une image, réaliser un film). Elles imposent réellement des démarches différentes, et de là des langages différents. D’où l’importance de ne pas les opposer, mais de faire en sorte qu’elles puissent continuer de co-exister.
Cela dit, dans notre festival, la plus grande particularité n’est peut-être pas le format, c’est le concept selon lequel on est appelé à tourner un film sans jamais pouvoir visionner le résultat, ni corriger quoi que ce soit au montage puisqu’il n’y a pas de montage, et de ne le découvrir qu’au moment de la projection publique dans une salle pleine. Le sentiment que l’on a à ce moment-là ressemble à celui qu’on peut avoir au moment de se jeter dans le vide.Je pense qu’on peut parler là de courage, et aussi d’une grande et nécessaire sincérité.
Le Super 8 est parfois perçu comme un format complexe ou coûteux. Quels sont les efforts du festival pour démocratiser cette pratique, notamment auprès des jeunes générations ou des publics non initiés ? Organisez-vous des ateliers, des rencontres ou des partenariats pour faciliter l’accès à ce médium ?
Il y a 40 ans un film coûtait environ 15 Euros développement compris. Aujourd’hui on est plus près des 100 Euros. L’augmentation est plus importante que pour la livre de pain (mais on mange toujours autant de pain, et on fait moins de super8). Nous ne faisons pas d’ateliers de sensibilisation (mais nous avons des partenaires qui le font, ä Genève, deux fois par année). À chaque édition nous sommes surpris, et enthousiasmés de constater qu’il y a parmi nos candidat.es un bon nombre de jeunes qui font leur première expérience en super8 (parfois même la première expérience de réalisation), et qui ne sont pas plus intimidés que cela.
De quelle manière peut évoluer votre événement dans les prochaines années, que ce soit en termes de programmation, de collaborations ou d’impact culturel ?
Nous sommes sur une question permanente : si notre démarche continue d’être suivie comme elle l’est actuellement, peut-être faudrait-il la consolider, voire même la professionnaliser, avoir une place dans l’establishment culturel de notre région, etc. Mais cela comporterait le risque que l’on s’écarte trop de l’esprit super 8, que l’on perde en spontanéité. De même, nous sommes toujours obligés de refuser des candidatures, et cela nous attriste beaucoup. Nous avons pour le moment toujours résisté ä la tentation de prendre toutes les candidatures et de faire une sélection de films à présenter lors de l’événement. C’est ce que fait Straight8 (200 entrées, 25 films présentés). Nous tenons à garder cette proximité avec nos réalisateur-ices, dont certains sont devenus des ami-es. Cela dit, nous devons être attentifs à ne pas faire de l’entre soi (une histoire de potes, ou de famille). Mais en 2025, la moitié des films étaient proposés par des personnes qui n’avaient jamais participé. Tant que nous aurons ce turn over, nous resterons dans la fraîcheur.
Comment le public réagit-il face à des films projetés en Super 8 ?
Nous jouons les films devant une salle pleine, ce qui est malheureusement de plus en plus rare au cinéma. De plus il y a le fait que le public ne sait absolument pas à quoi s’attendre. Le fait que les films soient vécus pour ainsi dire en direct par les personnes qui les ont faits, cette solidarité qu’il y a entre elles, et dans le public fait que l’ambiance est si spéciale. C’est le principe du Momentum. Je pense que l’aspect technique (le caractère particulier de l’image, sa luminosité moindre, ses imperfections) passe un peu au second plan et est en tout cas vite intégré.
