2025, Super8 is not dead !

Mai 21, 2025Blog

Direction Lyon, pour une rencontre sous forme de discussion avec Maximilien et Jzulion, les fondateurs du projet #BacktoSuper8.

À Lyon, le studio La Suite Numérique héberge depuis deux ans le projet #BacktoSuper8, une boutique-atelier spécialisée dans les anciens formats de cinéma amateur 8mm, Super8 et 16mm. Rencontre avec deux passionnés qui parlent de film Super 8, de caméras 16mm, de développement  et de numérisation 4K au présent de l’indicatif.

Au 1, rue Jarente dans le 2ème arrondissement, le studio La Suite Numérique est installée depuis 2010. Au rez-de-chaussée, entre les colis à expédier, les caméras et les machines high-tech, Maximilien, affairé à sa table de rembobinage, finalise une commande tout en supervisant avec attention la numérisation d’un film 16mm. Sur l’écran, défilent les images d’un film amateur tourné en Chine dans les années 60.

Il raconte : « Le projet #BacktoSuper8 est né il y a deux ans lors de ma rencontre avec Jzulion. Lui est passionné de technique et collectionneur… moi, je travaille sur la numérisation, la sauvegarde et la valorisation de films d’archives… Sentant que nous étions complémentaires, nous avons rapidement souhaité mettre en commun nos compétences », explique le fondateur et gérant de la Suite Numérique.

« L’idée principale de notre association est de maintenir un service qui n’existe plus puisque le matériel – caméras et projecteurs – ne sont plus fabriqués et que leur entretien est désormais quasi impossible. L’accessibilité à ces formats obsolètes est devenue quasiment impossible, nous sommes donc là pour faire le pont entre les générations analogiques et numériques», ajoute-t-il.

 Ainsi, les deux collègues ont accumulé matériel et savoir-faire afin de satisfaire la demande de leurs clients… On traverse le studio au milieu des scanners numériques de dernière génération, des stations de montage, des projecteurs Super8 et des caméras 16mm d’époque. Ce lieu atypique est une vrai caverne d’Ali Baba.

« Nous sommes comme une petite bougie que l’on a oublié d’éteindre »

À l’étage, sur son établi, où trône une superbe Bolex H16, Jzulion s’affaire au démontage d’un projecteur. Passionné de films de seconde zone découverts durant son adolescence en ex-Yougoslavie, il a appris à réparer les caméras en autodidacte. Un héritage qu’il tient de son grand-père.

« À l’époque, là-bas, c’était un peu la débrouille pour récupérer des pièces détachées. Il m’a montré comment ça fonctionnait. Au cours de mes différents projets et de mes boulots à travers le monde, cette passion m’a toujours suivie et ce côté bricole me sert encore aujourd’hui », nous explique t-il.

Grâce à un solide réseau tissé au fil de ses rencontres sur les forums et sites internet spécialisés, Jzulion est capable d’intervenir voire d’opérer n’importe quel matériel.

« Tout est réparable. Si l’utilisation d’une imprimante 3D pour recréer une pièce cassée n’est pas possible, on peut toujours trouver une pièce d’occasion. Ce que nous souhaitons, avant tout, chez #BacktoSuper8, c’est qu’une personne qui achète ou fait réparer sa caméra ici, l’utilise afin que le monde du Super 8 et du 16mm perdure», assure ce dernier.

Maximilien conclut : « Nous souhaitons permettre aux gens d’expérimenter ce format de cinéma amateur qui nous tient à cœur. Cela reste une niche. Nous sommes un peu comme une bougie, une flamme que l’on souhaite garder allumée. Notre seule ambition c’est de maintenir un service qui permet aux gens d’utiliser ce type d’équipement».

Pourquoi ce retour vers une technologie obsolète ?

« Le projet vise à mettre en avant l’expérience du Super8 et ainsi permettre aux nouvelles générations d’en faire l’expérience. Aujourd’hui, à l’ère du tout numérique, chacun peut créer ses contenus vidéos, les traiter, les monter, les diffuser. Avec le Super8, c’est une autre approche. Le rapport au temps n’est plus le même, puisque l’utilisation d’une pellicule photo-sensible implique un processus chimique pour la révélation des images », répond Maximilien.

À Jzulion d’ajouter : « Le projet #BacktoSuper8 permet d’offrir une réelle alternative au numérique et d’envisager ainsi la création d’images dans un contexte différent. Avec BTS8, nous offrons une solution complète. Dans notre boutique vous trouvez des caméras, des pellicules mais aussi un accompagnement technique pour le développement et la numérisation des supports. Nous proposons également l’entretien technique grâce à notre atelier spécialisé ».

Vous vous occupez de tout ?

« On s’occupe de toute la logistique. Le client qui le souhaite peut disposer d’une caméra, de pellicules et on s’occupe du développement et du scan. Tout ce processus dure environ trois semaines », assure Maximilien.

 

Vous parlez d’une « expérience Super8 », de quoi s’agit-il ?

« L’expérience du cinéma ne peut se faire qu’à certaines conditions. Quand tu touches au format Super8, par essence, tu fais du cinéma. L’esthétique du Super8 est très loin de ce que l’on peut atteindre aujourd’hui avec le numérique : l’image est granuleuse, présente certains défauts, la prise de vue est souvent hasardeuse… Mais tout cela permet de comprendre les principes de base de la lumière, de la sensibilité, du montage… Il y a peu d’automatisme et une bobine de film dure entre 2 et 4 minutes, il faut bien comprendre ce que l’on fait, réfléchir et à ce que l’on filme. C’est ça l’expérience Super8 ! », affirme Maximilien.

Depuis quelques années, on remarque un retour de la pellicule, du Polaroïd… Pourquoi selon vous ?

« Je pense que c’est nostalgique. Le Super8 est un format attachant qui symbolise le côté populaire, familial. Il accompagnait les gens dans leurs moments de vie importants : les vacances, les réunions de famille, les mariages, les kermesses, les anniversaires… » nous explique Maximilien.

Jzulion complète : « Kodak a lancé le 8mm en 1932 et le Super8 en 1965 aux États-Unis. Il à fallu attendre quelques années pour que ce format s’impose en Europe. À cette époque, il était fréquent de trouver une caméra 8mm ou Super8 dans les foyers. C’est un format universel qui s’est imposé pendant plus d’une cinquantaine d’années jusqu’à l’apparition de la vidéo et des premiers caméscopes. Aujourd’hui Kodak continue sa production de films Super8 et a même récemment modernisé l’une de ses usines aux Etats-Unis. Il y a donc un réel attrait pour le Super8 ».

À qui s’adresse le projet #BacktoSuper8 ? Qui sont vos clients ?

Maximilien prend la parole : « Le projet s’adresse avant tout aux amateurs d’une esthétique emprunte de nostalgie. Beaucoup de réalisateurs et créateurs de contenu s’intéressent à ce style. Ils cherchent à créer des images uniques au look rétro qu’ils utilisent dans la production de clips, courts-métrages, documentaires, publicités… »

« Etonnamment c’est en partie grâce aux réseaux sociaux comme Instagram ou TikTok, que le Super8 est revenu en force. Certains filtres utilisés dans les publications cherchent à se rapprocher de l’effet Super8 », enchaîne Jzulion.

Que répondez-vous à ceux qui affirment qu’ils peuvent faire la même chose avec le numérique ou l’IA ?

Jzulion s’anime : « L’IA et les filtres, c’est comme tout … ça ne te donnera jamais exactement toutes les caractéristiques du Super8 (grain, perforations, stabilité…), et surtout tu n’as pas la sensation de filmer. La manière d’arriver au résultat est importante, économiser sa pellicule, réfléchir à ses plans en amont, travailler sa lumière… Et finalement éviter d’être dans une forme de surconsommation, habituelle dans le monde du numérique ».

Et combien ça coûte ?

« Chez BTS8 on a l’ambition de pratiquer des prix qui ne sont pas trop élevés. Je pense sincèrement que l’on fait partie des moins chers sur le marché européen. Notre ambition n’est pas de vendre des objets de collection, mais des objets qui vont être utilisés. Souvent, avec trois ou quatre caméras, on arrive à en reconstituer une. Les caméras sont nettoyées, révisées et testées avant d’être proposées à la vente. Il faut compter entre 100 et 300 euros pour une caméra fonctionnelle.

Concernant les films, il faut compter une cinquantaine d’euros pour une cartouche de 15m.

Pour le développement d’une cartouche, il faut prévoir une trentaine d’euros. Nous assurons une navette hebdomadaire avec notre laboratoire partenaire installé à Berlin.

Quant à la numérisation, le prix dépend de la définition. Par exemple pour un film de 15m, un scan en 4K (4096×3000) coûte 55 euros », nous explique Maximilien.

 

Rendez-vous sur www.backtosuper8.com ou en boutique au 1 rue Jarente, Lyon2.

Interview réalisée en mai 2025 par MJM